L’histoire de la maison

Le Donjon a une âme. Ici comme nul par ailleurs, les murs ont vécu. Imprégnés de l’histoire des illustres personnages auxquels ils rendent hommage, ils transpirent l’esprit, l’art et la culture. Dans une ville bercée par la littérature et la peinture, tout fait sens. L’histoire du Donjon s’inscrit dans celle d’Etretat, du pays de Caux et de la Normandie. Pour en comprendre la genèse, il faut remonter au XIX siècle.

Etretat est un petit village de pêcheurs isolé, sur un bout de la côte d’Albâtre. Les routes sont mauvaises et non carrossables. Le chemin Saint-Clair, qui mène au Donjon, est alors une des seules voies d’accès permettant de relier Etretat au pays de Caux. Perché sur un plateau, Etretat et ses falaises crayeuses dominent la mer et présentent déjà un panorama à couper le souffle. En 1843 d’une simple phrase, Alphonse Karr, journaliste au Figaro, en change à jamais le destin : « si j'avais à montrer la mer à un ami pour la première fois, c'est Etretat que je choisirais ». Le tourisme, majoritairement parisien, l’entend et sur ces grands espaces encore vierges, s’érigent peu à peu les premières demeures de villégiature ornées de beaux parcs. L’essor est lancé.

En 1862, en haut du Val Saint Clair, sur des vestiges romains et d’anciens tunnels, le Donjon sort de terre sous la forme d’une imposante bâtisse anglo-normande. Domaine privé, passé de main en main, il sera occupé par un propriétaire exubérant, qui, fort de conviction, hissait le drapeau à tête de mort et tonnait le canon à chacune de ses arrivées, comme un clin d’oeil à l’insularité latente d’Etretat. Ce n’est qu’en 1978, avec la famille Abodib, que le domaine deviendra un bel établissement hôtelier. Au Donjon s’ajoute en 2002 la villa attenante, construite en 1889 dans un style plus féminin. Donjon et villa forment un ensemble harmonieux au charme affirmé, caressé d’un voile de romantisme. Si la légende raconte qu’à sa naissance, le célèbre gentleman cambrioleur Arsène Lupin, aurait été déposé sur les marches du Donjon dans son couffin, celles associées à la villa sont toutes aussi passionnantes. Ici, les histoires se vivent de l’intérieur et se découvrent dans les pages du Saint-Clair Télégraphe.

Chaque chambre raconte la vie d’un illustre personnage profondément lié à Etretat. Tout concourt au récit et à la psychologie du protagoniste. Dans la chambre Camille, une proche de Maupassant, la décoration dans ses moindres détails lui rend hommage. Les tissus tendus, les tableaux, les livres de la bibliothèque, sont autant de coups de pinceau qui forment son visage, autant d’adjectifs qui décrivent sa personnalité. De chambre en chambre, de chapitre en chapitre, l’histoire s’écrit d’une seule plume. Une nouvelle page s’est ajoutée récemment avec la fresque peinte sur le mur du salon des créateurs par Jean-Charles de Castelbajac, grapheur des temps modernes. Témoignage de l’art contemporain, elle est un clin d’œil aux artistes d’autrefois, sans le sou, qui payaient leur repas en laissant une toile. L’idée : continuer à écrire l’Histoire, tatouer le Donjon avec couleurs et conviction, créer du patrimoine aujourd’hui pour demain. Il y a Etretat, il y a le Donjon.

Horizon vers l’infini, romantisme des chambres, le Donjon se vit comme une expérience intense, de celle que l’on empoigne à plein cœur. Ici, le temps suspend son vol pour laisser au plaisir le loisir d’être partagé, encore et encore.